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Eric CABANIS, portrait de BROMMAT

Pour la deuxième année consécutive, le village de Brommat expose trente portraits d’habitants en noir et blanc. L’exposition “Vivre Brommat” réalisée par Éric Cabanis est visible depuis le samedi 15 juin et jusqu’au dimanche 15 septembre.

Après avoir tant parcouru le monde pendant plus de trente ans pour l’agence France Presse (AFP), le reporter photographe Éric Cabanis a garé son van et posé son Leica à Brommat. Dans cette pointe du Nord-Aveyron emboîtée dans le Cantal, il se sent bien. Et surtout, bien accueilli. « Que l’on soit à Sarajevo ou ici, c’est pareil », dit-il, derrière le bar de l’hôtel-restaurant des Barrages où il a photographié le gérant Pierre-Alain et sa famille.

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RENCONTRE avec Eric CABANIS

Peux-tu te présenter…

Je m’appelle Eric Cabanis je suis photographe professionnel depuis plus de 35 ans j’ai travaillé pendant 35 ans à l’agence France Presse comme reporter photographe donc avec tout ce que ça comporte comme mission quand on est un agencier c’est à dire j’ai tout fait tout ce qu’on peut faire en photo et dans l’actualité. Aujourd’hui j’ai quitté l’AFP et depuis quelques années je me consacre à faire mon travail beaucoup plus personnel de photos essentiellement en noir et blanc et surtout de portrait.

Être photographe pour l’AFP cela consiste à quoi ?

Dans l’AFP j’ai fait autant de photos de sport, de football, de rugby, de basket, de jeux olympiques, de voile et puis j’ai fait des guerres aussi, des conflits sur lesquels j’ai été blessé, un conflit par exemple à Sarajevo puis j’ai fait des photos politiques, des photos sociales aussi tout ce qui se passe ce qui peut se passer soit dans le monde soit en France. Pour l’AFP,  j’ai été basé à Paris, à Toulouse, à Marseille, à Strasbourg, à Lyon…mais j’ai aussi été basé à Madrid. Pendant cinq ans j’ai couvert la formule en tant que responsable de l’équipe et donc j’ai fait tous les circuits du monde. 

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Ta première rencontre avec  l’Aveyron…

J’ai couvert le Larzac, notamment au début des années 2000, avec toute l’histoire des faucheurs volontaires, il y avait beaucoup d’actualités sur le Larzac après le démontage du McDo, il y a eu aussi des figures comme José BovéFrancis RouxJean-Paul ScocardJean-Emile Sanchez, tout ça c’est des gens que moi j’ai beaucoup aimé, beaucoup apprécié, Christine Tellen aussi, et il y avait beaucoup d’actualités, donc on était souvent sur le Larzac, et puis il y a eu les arrestations de José Bové par hélico, et puis il y a eu la grande fête des 30 ans, où ils ont arrêté l’extension du camp de 1973, donc en 2003 il y a eu cette grande fête, il y avait 300 000 personnes, c’était énorme, c’était quelques jours après que José Bové ait été libéré. J’ai beaucoup couvert de ces mouvements parce que je pense que j’avais aussi la confiance des gens.

Du Larzac à Brommat…

Alors Brommat, c’est marrant parce qu’il y a deux ans, je pars avec mon van et comptais faire un espèce de petit road trip photographique, et donc, je vais dans un village pas loin d’ici, sur mon application, je vois un camping où je peux m’arrêter je m’arrête devant ce camping, et en fait, il ne me plaisait pas. Je suis remonté dans mon van et j’ai regardé un autre village, et j’ai vu Brommat, super camping, wifi, voilà, top, propre, sanitaire, nickel… et donc je vais à Brommat,  j’arrive au camping, le camping était, la fille qui s’en occupait à l’époque, elle avait laissé un mot, je suis de retour à 16 heures, un truc comme ça, il devait être 15 heures, je me suis dit bon, je vais attendre qu’elle revienne, et donc j’étais devant l’accueil, et là je vois arriver quelqu’un, une voiture qui se gare, je vois arriver un monsieur qui commence à mettre les affiches sur le panneau, je ne sais pas de quoi d’ailleurs, qui posait les affiches, et on commence à discuter, et il me dit qu’il s’occupe un peu du culturel. Je lui explique que je suis photographe et que je fais un road trip, et que j’espère faire un livre de ce voyage et rencontres…Il me dit, puisque tu es photographe, tu vas venir, c’était un vendredi je crois, tu vas venir mercredi prochain, on fait un pique-nique, tu vas venir faire des photos. Je me suis dit qu’il allait vouloir des photos de groupe, des photos de mariage, des photos d’équipe de foot, et tout ça… Je lui dis non, je ne crois pas, de toute façon je reste une nuit ou deux et après je pars ailleurs, il dit non, tu vas venir mercredi, c’était 4 ou 5 jours après. Sur ce, la fille de l’accueil du camping arrive et je lui dis, je vais rester une nuit, je vous paye une nuit, peut-être deux nuits, je ne sais pas. Et puis j’entends le gars derrière, qui dit non, non, il va rester jusqu’à mercredi, venir faire des photos, je me suis dit, il est vraiment pénible ce mec, et c’est devenu un ami, et c’est grâce à lui qu’on a fait ça, entre autres, beaucoup grâce à lui, et finalement je suis resté. 

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Je suis donc allé à son femme à pique-nique, et puis quand je suis arrivé à son fameux à pique-nique, au moulin de Burée, il m’a dit, ben vas-y, tu fais les photos que tu veux, et donc j’ai fait des photos, je me suis amusé, j’ai fait mes photos, et en partant je lui dis écoute si tu veux, tu passes demain au camping, je te montrerai les photos, et puis je te les envoie par mail si tu veux, si ça te fait plaisir, comme ça, ça te fera des souvenirs, et c’est ce qui s’est passé, il est revenu le lendemain, il a regardé les photos, et puis à un moment donné, je lui dis, tu vois ce serait peut-être pas mal de faire des portraits d’habitants, je ne connaissais pas ses fonctions, et je lui dis ça serait pas mal de faire des photos d’habitants, et puis des affichés dans les rues, il me dit ouais c’est une bonne idée, je vais t’avoir un rendez-vous avec le maire, et puis c’est parti, puis c’est parti, on a réussi à faire , plus de 80 photos à l’heure actuelle, il y en a plus de 70 qui ont été exposées sur les murs du village, en grand format, 3 mètres sur 2, sur deux ans, et puis on a fait des catalogues d’expo quand même, ce qui n’est pas rien, et puis on va aller plus loin…

Comment qualifierais -tu ce travail photographique ? 

Je crois qu’il y a deux choses dans ma tête qui se passent, faire un beau portrait, donc purement artistique et un travail sociologique, mais sans texte, un travail sociologique en images. Avec cette photographie, j’arrête l’instant d’une vie, d’un témoin, d’une vie, d’un village, j’arrête à tel moment, à telle heure, telle seconde, je prends une photo de quelqu’un, c’est pour l’histoire du village aussi, c’est pour la mémoire du village… je garde cet esprit sociologique, c’est-à-dire à travers les traits du visage, derrière les traits du visage, c’est aussi, c’est un peu pompeux ce que je vais dire, mais c’est un peu le paysage, les traits c’est un paysage on voit tout, c’est comme un paysage, c’est le paysage de l’âme, et d’un endroit, d’un lieu précis, donc j’ai toujours ces deux, je garde constamment à l’esprit ces deux choses, faire le beau portrait, faire une belle photo, bien composée, qui se tienne bien, qu’on ait envie de regarder, moi je m’adresse à tout public, je veux toucher tous les publics, de tous les milieux sociaux que ce soit, et de tous les âges, moi je veux toucher un maximum de gens, je ne veux pas faire de la photo élitiste, ça ne m’intéresse pas, et donc j’essaie de faire une bonne photo, que les gens s’y attardent dessus, essayer de comprendre, essayer de dire, tiens, il se passe quelque chose dans cette photo, ou chez ce monsieur, ou chez cette dame, mais tout en gardant cet esprit sociologique, et je pense qu’il est ressenti comme ça, je travaille pour, peut-être que je ne travaille pas pour l’instant, mais je travaille pour le futur, pour conserver cette mémoire, ces visages, ces paysages.

Pour faire un portrait, tu es plutôt directif ou pas du tout ?

Quand je fais des portraits, j’essaye déjà de mettre les gens à l’aise, parce que je n’aime pas les photos posées. C’est à dire, je ne suis pas un photomaton, donc j’essaie d’y mettre du mien, moi aussi, mon ressenti, ma culture, mes fantasmes. Quand je photographie quelqu’un, c’est comme si je photographiais un copain, et puis quand j’appuie, je pense, c’est général à tous les photographes, quand tu appuies, tu as toute ta culture derrière toi, toute ta vie, tes fantasmes, tes lectures, la musique que tu écoutes, et tout ça ressort dans la photo, dans un portrait, dans un paysage, dans un nu, dans tout ce que tu veux, et ça c’est important, je pense qu’il faut vraiment avoir de la culture, je pense que c’est vraiment important.

C’est la deuxième édition ?

Oui, c’est la deuxième édition. Ça s’appelle donc Vivre Brommat. On a trouvé ce nom, je pense, en discutant avec Jean-Pierre et Marie. On discutait un jour chez eux parce qu’en fait, c’est un peu tout s’est fait chez eux. Si tu veux la conception du truc et tout ça autour d’un verre, on discutait. Et puis, un jour, je dis on va appeler ça Vivre Brommat.

Puis après, on a eu l’idée d’éditer un petit catalogue, la mairie a accepté… Je remercie la mairie, Didier Cayla le Maire et le conseil municipal… C’est énorme, ils se sont mis dans un truc incroyable pour un petit village comme ça, ce qui n’est pas évident. Ils me permettent en plus de faire ce que j’aime et ça, c’est immense. Je pense que les gens du village aussi sont contents pour la majorité de cette manifestation et de ce travail. Voilà, ils existent, on parle d’eux, ce n’est pas des oubliés, on a l’impression qu’il y a un peuple oublié en France. Moi, je parle d’eux, je les montre. C’est de plus en plus facile parce que maintenant, les gens m’ont un peu adopté. Ils nous connaissent. Je ne suis pas méchant, je ne mords pas. Je suis plutôt sympathique, je crois. Donc ça va, ça passe bien et je crois que pour une bonne partie sont vraiment heureux que ça existe. Il y a un peu plus 600 habitants et j’ai 80 portraits, là, à peu près. Il en manque encore… Après, on verra. Certains sont cachés. On verra, on verra… Je ne désespère pas. 

Moi, j’aimerais faire ça sur plusieurs années. Tu imagines, si j’avais 200 portraits. Tu imagines le truc, ça serait top, quoi… 200 portraits sur 5 ans, par exemple. Quel travail de mémoire pour les chercheurs du futur, en tout cas et pour les historiens du futur. Dans 20 ans, dans 30 ans, dans 40 ans, je serai mort. Mais ils auront ça, quoi. Tu te rends compte, c’est de la matière, avec les noms, les prénoms… C’est de la matière sur laquelle tu peux travailler… Ce serait un bonheur pour moi.


Plus d’infos sur Eric Cabanis


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