Arrivé en provenance des Terres australes et antarctiques françaises où il officiait en qualité de préfet et administrateur supérieur, Charles Giusti a débarqué en Aveyron fin octobre. Entretien avec le représentant de l’Etat en terre rouergate.
Vous êtes officier de Marine, comment êtes-vous venu à cette voie ?
Originaire d’Annecy, j’avais envie de découvrir le vaste monde. J’ai suivi des études scientifiques, orientées vers l’ingénierie, en suivant les classes préparatoires aux grandes écoles.
J’avais envie d’un supplément d’âme, aller vers l’ailleurs, alors j’ai intégré l’école des Mousses, puis l’école navale à 20 ans.
J’ai fait la différence entre le rêve et la réalité du monde marin. J’ai beaucoup navigué avec quatre campagnes Jeanne-d’Arc et trois tours du monde sur les océans.
Comment vivez-vous ce retour sur terre avec l’absence de mer en Aveyron ?
L’Aveyron est la quintessence de l’art de vivre à la Française. J’ai beaucoup bourlingué et c’est justement quand on va vers l’extérieur que l’on se rend compte de nos richesses. J’éprouve un attachement viscéral à la France métropolitaine. On peut prendre plaisir à voyager quand on sait qu’on a un endroit qui nous attend, nos racines. J’avais manifesté mon intérêt de changer de poste. Le poste de préfet et administrateur que j’ai occupé pendant deux ans dans les Terres australes et antarctiques françaises, est très particulier. On travaille en autonomie, il n’y a pas de population. Il y a des gens en mission : militaires, scientifiques, surveillants, etc. Il manquait le contact qui accompagne la fonction publique. Mon affectation relève du président de la République, la décision est prise en conseil des ministres. De fait, un préfet a un CDD de sept jours.
Quelles sont vos premières impressions sur l’Aveyron ?
Je suis arrivé en voiture de Montpellier. J’ai aimé la traversée du Larzac et du Lévezou, la beauté de ces paysages vallonnés, on sent la main de l’homme. L’arrivée sur Rodez est impressionnante avec la cathédrale que l’on voit de loin, cela continue à me frapper. Sur le plan humain, ce qui me frappe c’est la qualité de l’accueil des Aveyronnais. Je croise des gens qui me disent : « Bienvenue en Aveyron. » Il y a la fierté et le sens de l’accueil ce qui ne peut qu’ajouter à la motivation. Les relations avec les entreprises, les collectivités et les associations se déroulent dans un climat apaisé. On ne s’apitoie pas, on cherche des solutions ensemble ce qui rend le travail stimulant.
Quelles sont vos missions ?
Mon premier rôle consiste à assurer la sécurité de la population. Le deuxième rôle du représentant de l’Etat est celui d’animateur auprès des collectivités locales, associations, élus, usagers, etc.
Justement, il est prévu un atelier sur les énergies renouvelables organisé par vos services. Qu’en est-il ?
Cela me semblait très utile de choisir ce thème en Aveyron où c’est un débat très régulier. Le but est de ne pas se refaire les questions au regard du changement climatique. Il faut décarboner, comment on fait ? Il faut avancer dans la concertation, tordre le coup à des affirmations sur les énergies renouvelables mais aussi émettre des réserves. Par exemple, on dit que les méthaniseurs puent, c’est faux car c’est filtré. On parle aussi du danger des éoliennes pour les oiseaux, mais il y a des dispositifs de mise en sécurité. On connaît les risques. Il faut redonner des perspectives, clarifier. Une dizaine de groupes de travail seront réunies le 23 mars à Pont-de-Salars pour s’exprimer, démêler le vrai du faux, écouter, améliorer. Je comprends les inquiétudes et les contestations, il faut se dire que ce sont les conséquences du changement climatique, il faut réfléchir aux perspectives. J’ajoute qu’il y a aussi le potentiel de bois énergie en Aveyron.
« L’Aveyron est la quintessence de l’art de vivre à la Française »
Concernant le sujet des énergies, le projet d’unité de méthanisation à Bozouls fait débat. Une réunion d’information est même annoncée. Quelle est votre position ?
Il y a eu une enquête publique, rien ne ressort qui puisse exprimer les craintes. Les éléments techniques ne confirment pas ces craintes. On n’a toujours peur de ce qu’on ne connaît pas. Il ne faut pas laisser dire les choses fausses, c’est le but de la concertation.
Le changement climatique est au cœur des enjeux. Quid de la sécheresse en Aveyron ?
La chance du département est que son agriculture n’a pas de grands besoins en eau contrairement à d’autres régions. On prendra les mesures en temps voulu. On est attentif. On peut anticiper sur certains usages sans attendre l’étiage. La sobriété devient à la mode.
Quelles ont été les mesures dont vous êtes fiers d’avoir prise ?
J’ai été chef de groupement aérien où je suis arrivé dans un contexte dramatique avec quatre morts et trois avions au tapis. Nous avons beaucoup travaillé, ce fut une dynamique importante, notamment avec les pilotes. J’ai aimé exercer dans l’administration pénitentiaire pour des missions de sécurité mais aussi de prévention. Sortir quelqu’un qui s’est radicalisé, lutter contre la récidive à travers des projets d’insertion. Beaucoup de gens n’ont pas cette chance, ils sont sans cadre, le travail est important pour les aider à retrouver un équilibre au sein de la société. Les attentats ont aussi incité l’administration pénitentiaire à se reposer des questions sur la récidive. Enfin, ma précédente fonction dans les terres australes, a permis de développer des recherches scientifiques autour de Madagascar pour apporter un volet international. C’est un laboratoire du changement climatique, ce fut un beau projet. Cette extension de la réserve naturelle des terres australes fait d’elle la deuxième du monde.
Outre votre profession, quelles sont vos occupations ?
J’ai peu de temps disponible mais j’essaie de me préserver une randonnée dominicale quel que soit le temps. On regrette toujours de manquer de temps car on le subit mais il faut savoir ce qu’on veut. Je me suis engagé au service de l’Etat.