Après avoir été élu sommelier de l’année 2010 par le magazine professionnel Le Chef, Sergio Calderon s’est vu décerner le titre de « Meilleur sommelier du monde » par Les Grandes Tables du Monde, réunissant 180 restaurants d’exception.
Revenons sur l’interview qu’il a accordé au Ruthène Magazine en mai 2019.
Sergio Calderon est né en Argentine, dans la province de Cordoba, un immense territoire de pampa où l’on produit principalement de la cacahuète. Là il rencontra l’amour en la personne d’une jeune tarnaise en vacances qui le ramènera en France où il découvrira le vin.
– Vous êtes un sommelier autodidacte… C’est rare…
Je suis entré au service d’Yves Thuries dans son restaurant de Cordes-sur-Ciel parce qu’il fallait faire vivre ma famille. Le monde du vin que je découvrais me passionnait, il m’a recommandé une formation dans un centre professionnel à Bordeaux. Je suis donc devenu sommelier chez Thuries, puis je suis parti trois ans à Londres pour compléter ma formation et pratiquer l’anglais. Londres est une plaque tournante mondiale du vin ; j’ai beaucoup travaillé, beaucoup appris dans de belles maisons, j’avais du retard par rapport à mes confrères français… De retour en France j’ai hésité entre la sommellerie et la viticulture, finalement je suis allé frapper à la porte de Michel Bras.
– Pourquoi lui ?
J’en avais beaucoup entendu parler à Londres. Il se disait qu’il n’était pas comme les autres chefs de l’époque qui étaient distants, caractériels même. Lui il avait une bonne réputation au plan humain…
– Et ça a tout de suite marché ?
C’est extraordinaire mais c’est ce qui s’est produit. On s’est compris immédiatement. Comment résister à sa créativité, à la fertilité de son esprit ? Michel est un génie… J’ai commencé au Mazuc mais ce projet fou du Suquette était en route, c’était au début des années 1990 ; il avait besoin de quelqu’un avec mon expérience pour faire évoluer la cave qu’il voulait internationale. On ne partait pas de zéro, Ginette (l’épouse de Michel Bras), avait une belle cave et de belles bouteilles de vins français. J’ai beaucoup appris avec elle et d’abord l’humilité face au travail du vigneron qu’il faut expliquer au client. Je l’ai observée et je me suis dit que c’est ainsi que je voulais travailler.
– Humilité et vin ne sont pas des mots qui riment aujourd’hui…
Je le regrette mais c’est une réalité. Le vin est devenu un élément de prestige et de spéculation. C’est ce que j’appelle les buveurs d’étiquettes, des nouveaux amateurs qui ne le connaissent pas… Moi je me situe à l’opposé. C’est ce que j’ai trouvé chez Bras : la simplicité dans une élégance extrême. Pour la cave du Suquette on ne se refuse rien, nous avons de très grandes étiquettes mais il y a aussi de superbes AOC et AOP que l’on ne doit pas négliger et que l’on doit défendre.
– Des vins bio aussi ?
On ne doit rien s’interdire. Si un vin bio est excellent, il doit figurer chez nous, mais ce n’est pas parce qu’il est bio qu’il est bon. Certains vins soi-disant naturels présentent des déviances aromatiques qui empêchent de reconnaître le terroir… Je me réjouis que Château Latour se soit converti au bio, mais c’est d’abord Chateau Latour… Pour juger un vin ma démarche commence en observant le travail du vigneron, sa connaissance du terroir, des vignes. Cela dit, on ne peut refuser toutes les évolutions technologiques mais une machine à vendanger n’aura jamais le discernement d’un vendangeur face à une grappe.
– En France le vin est toujours allié à la fête, il est un sujet de discussions qui délie les langues.
C’est vrai que c’est un sujet incroyable qui ne s’épuise jamais. Par exemple, on parle souvent de l’accord du vin et des mets, moi je préfère parler de l’accord des mets avec le vin parce qu’on peut toujours modifier la recette d’un plat mais on ne modifiera jamais le caractère du vin dans sa bouteille. Le vin, quel que soit son prix, doit rester un plaisir à partager avec des gens qu’on apprécie et pour lequel on doit prendre le temps de la dégustation. Ce n’est pas une boisson, c’est juste une porte ouverte vers l’autre.
POUR LE SOURIRE DEL CHACO
Avec un ami argentin, Sergio Calderon est à l’initiative de la fondation Pour le sourire del Chaco qui aide les enfants du Chaco, région pauvre d’Argentine, à se scolariser. En octobre dernier, il a entrainé Michel Bras avec lui à dans un grand hôtel de Buenos Aires où le chef s’est remis aux fourneaux pour cuisiner un dîner de gala pour 50 personnes. 20 000 euros ont été ainsi réunis pour l’association qui bénéficie également de la générosité des médecins du sport aveyronnais de l’association MS 12.
Infos : lasonrisadelchaco