Un skate sous les baskets, le doigt sur le clic d’un appareil photo, c’est l’image d’un Cyril Hatt lycéen telle qu’il l’a développée au fil des ans. Il ne souhaite certes pas que cela devienne un cliché, mais malgré tout, c’est très révélateur de son cheminement artistique.
La photo surtout, qui lui a tapé dans l’œil à ce moment-là. « Je suis depuis toujours fasciné par la photographie, dit-il, qui attrape quelque chose et qui la fige dans le temps. C’est une sorte d’objet mystérieux. »
Ruthénois installé aujourd’hui à Saint-Jean-de-la-Blaquière dans l’Hérault, Cyril photographie à tout va depuis ce temps-là, toujours, en mode argentique, en format 10×15, celui de la carte postale. Une vraie boulimie, comme il dit, des clics en séries, et quand vient le numérique, il l’utilise, sans lâcher le support initial, la bonne vieille photo papier, gardant même les photos ratées, les épreuves, les essais. « Ce qui m’intéressait, c’était le matériau plus que l’image. Les combinaisons des deux, c’était magique. »
L’image maîtrisée, il lui fallait à présent dompter le papier. « Je peignais sur les photos, je jouais avec la transparence, je fouillais dans les poubelles des photographes, j’allais jusqu’à attaquer l’image physiquement, la déchirer, la froisser… J’essayais d’aller dans la matière. »
Quelque chose devait forcément naître de ce triturage de papier mat ou brillant autant que de méninges, mais Cyril se tapait (doucement) la tête contre le mur de l’Eurêka à la manière du héros qu’il a incarné tout à fait confidentiellement, dans cette période, dans un long-métrage réalisé avec un appareil photo. Aussi un homme en quête d’un but.
Mais le mur de l’Eurêka finit par tomber comme à Jéricho, et la lumière vint, de tout près. : « Un copain qui me voyait chercher m’a dit d’essayer de faire un objet en trois dimensions. »
Le déclic. Une agrafeuse vint rejoindre l’appareil photo, et la première création vit le jour. Cela aurait pu être un skate-board, mais ce fut… une paire de baskets. L’évidence aussi : « Depuis, je répète l’opération de manière systématique. Et cela dure depuis 15 ans. » De photographe, « je surfe un peu sur tous les genres, photographe, sculpteur, mais c’est aussi de l’architecture avec des photos. »
Et pourquoi pas aussi avec la chirurgie, façon Frankenstein, et recréant une chose avec des bouts de chair ou de papier. Prendre l’objet sous toutes les coutures, le défaire dans l’abstrait, et lui redonner vie par la suite. Idem, mais autrement. « Je n’interprète pas beaucoup les choses, je les copie, mais je ne suis pas dans la reproduction, je les traduis, je leur donne un deuxième regard. »
Depuis la première paire de baskets, des milliers d’objets sont nés à nouveau sous l’agrafeuse de ce chirurgien photosculpteur. Peut-être des dizaines de milliers : l’une de ses derniers ouvrages, par exemple, consiste en un banc… de 3000 sardines.
Des objets, des animaux mais aussi des hommes et des lieux : masques, corps humain quasi-grandeur nature avachi dans un abri, ou encore minotaure, exposé au château de Goutelas dans la Loire. Ou encore le comptoir du café de la Paix, qui est revenu dans son berceau ruthénois après avoir été créé… en banlieue parisienne. « J’aime bien téléporter les choses, des lieux familiers que je recrée ailleurs. Comme la grotte de Lascaux par exemple : l’originale est fermée et on ne visite que la copie. Il y a l’ambiance, il y a l’esprit, même si ce n’est pas la véritable. » Cyril Hatt est prêt à « photagrafer » beaucoup encore, semble-t-il…
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