Depuis presque 35 ans qu’il découvre et fouille les avens et les gouffres de la France entière, Frédéric Le Moal a fait de sa passion un métier.
Il a découvert la spéléologie à l’âge de 14 ans, grâce au spéléo-club de la MJC de Rodez présidé aujourd’hui par Bernard Piart. Presque 35 ans plus tard, l’émerveillement de Frederic Le Moal devant ce monde souterrain et mystérieux est toujours intact, l’envie de le faire partager toujours vivace.
Vous êtes guide spéléo professionnel, vous avez donc fait de votre passion un métier…
J’ai quitté l’école à 16 ans sans aucun diplôme. J’étais sans emploi mais j’étais connu dans le milieu puisque je pratiquais la spéléo depuis l’âge de 14 ans et je ne faisais que ça ! Une entreprise de ce que l’on appelait les travaux acrobatiques m’a contacté et je suis donc devenu cordiste. Je me suis spécialisé dans les chantiers sur les barrages parce que les techniques de travaux sur corde sont identiques à celles employées en spéléo. Aujourd’hui c’est moi qui forme à ce métier… J’ai passé ensuite un brevet d’état pour encadrer des groupes en professionnel, et parallèlement un brevet fédéral pour enseigner bénévolement dans les clubs.
Et vos loisirs sont toujours souterrains ?
Ah oui ! La spéléo m’a donné un métier et elle m’apporte toujours autant d’un point de vue personnelle. Si j’ai passé ce brevet d’initiateur et de moniteur c’est pour apprendre les techniques aux néophytes, les guider vers ce plaisir immense que l’on ressent à la découverte du sous sol… La spéléologie ce n’est pas seulement descendre dans un trou noir accroché à une corde. C’est autant un sport qu’une ensemble de techniques et même de sciences ; on évolue dans sa pratique avec l’âge. Au début, on apprend les techniques, à progresser dans les « classiques », les gouffres déjà explorés. Ensuite on va rechercher les « premières », les passages inconnus, avec ce sentiment d’être le premier homme à passer à cet endroit depuis des centaines, voire des milliers d’années, parfois on est le premier tout court ! Et on en découvre chaque année. En France on ne connaît que 5 à 10 % des vides… Ceux qui maîtrisent les techniques développent les secours spécialisés ; les pompiers font souvent appel à nous lorsqu’une personne est coincée dans un gouffre. D’autres pratiquent la plongée spéléo, une discipline très technique…
« Plus on descend sous terre…
plus on remonte le temps »
Vous avez parlé de sciences…
Lorsqu’on est moins à l’aise sur le plan physique, on s’intéresse à la formation de ces cavités, c’est à dire à la géologie, puis aux rivières souterraines avec l’hydrogéologie, puis aux animaux qui peuplent ces cavernes, c’est la biospéléologie, ou à l’étude des habitats humains, c’est la paléospéléologie, à la topographie, qui nous permet de travailler pour le BRGM*. Plus on descend au fond de la terre, plus on remonte dans le temps de notre planète…. De cette façon, on comprend comment elle s’est formée en analysant les couches géologiques qui donnent des indications sur le climat de ces époques.
Vous avez également un rôle d’alerte aux pollutions…
Les services de l’Etat nous demandent d’aller analyser l’eau en un point précis d’une source souterraine lorsqu’il y a suspicion de pollution. C’est en général assez technique, il faut souvent descendre très bas dans des endroits étroits, des syphons pas faciles d’accès. Nous sommes les seuls à posséder les capacités de faire ce travail d’intérêt public qui permettra d’alerter.
Si vous souhaitez faire découvrir la spéléo à des jeunes en Aveyron, où les conduiriez vous ?
Il y a le Tindoul de la Vayssières, sur le Causse Comtal. Il a été formé par des rivières souterraines à l’origine de la cascade de Salles-la-Source, elles y ont sculpté de nombreuses galeries. Je l’apprécie parce qu’il y a des volumes impressionnants et un siphon. Pour une initiation c’est un excellent parcours.
Ily a un an, Denis Porrachia sortait son film « D’eau et de Lumière ». Il travaille sur une suite à laquelle vous participez qui se déroulera en partie dans les grottes. Où en êtes-vous de ce projet ?
On en est aux repérages. Denis m’a demandé d’être son conseiller technique… Le film « Le Touroulis« va se dérouler en partie sur le Causse Comtal dont la formation est très particulière, autour de Salles-La-Source, dans le Tindoul et une autre cavité concrétionnée. Il est certain que les images seront très spectaculaires… Je pense qu’elles donneront envie aux spectateurs de nous accompagner dans nos explorations souterraines.
* Bureau de Recherches Géologiques et Minières
Plus d’infos sur la spéléologie en Aveyron : à MJC de Rodez