Ciné-débat

OCCITANIE

La bataille oubliée

Ce ciné-débat se tiendra au CGR Rodez le jeudi 6 mars à 20h. Une fois le film projeté, le réalisateur Clément Juarez répondra aux questions du public. 

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Le film « Occitanie. La bataille oubliée » est un documentaire traitant de la croisade contre les Albigeois : un des conflits majeurs du XIIIe siècle méridional (1209-1229). Pour découvrir cette période troublée, nous avons choisi d’explorer l’une de ses batailles les plus méconnues : la bataille de Baziège en 1219.

Cet évènement est anecdotique pour certains, primordial pour d’autres, néanmoins sa mémoire perdure. 800 ans après les faits, en septembre 2019, une centaine de passionnés venus de toute l’Europe se réunissent sur les lieux de la bataille pour la reconstituer devant plusieurs milliers de personnes. Des questions surgissent : quelles connaissances cet évènement historique nous apporte sur notre passé ? En quoi la commémoration de la bataille de Baziège nous éclaire sur notre rapport à l’Histoire aujourd’hui ?

Dans une période où l’on confond souvent Histoire et Mémoire, deux étudiants en histoire, Jean de Boisséson et Clément Juarez, ont décidé de faire un film sur cette aventure. Des salles d’archives aux châteaux escarpés des Pyrénées, les deux étudiants nous propulsent dans la vie de ces personnages, à la rencontre des chercheurs qui les étudient et des reconstituteurs qui leur redonnent vie.

Entretien avec
Clément Juarez & Ugo Bimar

D’où vient le projet Occitanie. La Bataille oubliée ?

Clément Juarez – Le projet de ce film vient du co-scénariste Jean de Boisséson qui travaille notamment avec Nota Bene, un vidéaste spécialisé dans la vulgarisation historique qui regroupe plus de deux millions d’abonnés sur Youtube. Nous connaissions les reconstituteurs à l’origine du projet de commémoration de la bataille de Baziège, une des batailles les plus méconnues de la croisade contre les Albigeois. Quand Jean a appris l’existence de cet événement, il m’a proposé de faire un documentaire dessus. Il s’agissait d’interroger autant le côté historique de cet événement que le côté mémoriel.

 

La croisade contre les Albigeois, qu’est-ce que c’est ?

C . J. – C’est un des conflits les plus importants du Moyen Âge, en particulier dans notre région. C’est une croisade lancée par la papauté au cœur même de la chrétienté au début du XIIIe siècle. C’est un épisode historique qui mêle des enjeux politiques et religieux. Au final, cette histoire est plus politique qu’il n’y paraît. De cette période, on connaît surtout les fameux « cathares », qui n’étaient pas nommés de cette manière à l’époque, mais « bons hommes » ou « bonnes femmes », voire « parfaits ». Ce n’est qu’assez récemment que le terme « cathare » s’est imposé pour le grand public.

 

Il existe de nombreux documentaires sur ces « cathares ».

C . J. – C’est vrai. On trouve beaucoup de documentaires sur cette hérésie comparés au peu de productions sur la croisade contre les Albigeois. Alors même que c’est un événement majeur de l’histoire médiévale de la région, on se souvient davantage des causes religieuses de cette guerre, que des étonnants jeux de pouvoirs qui s’y sont déroulés. Néanmoins, ce conflit est toujours présent dans la mémoire collective comme le montre le succès des reconstitutions de batailles, à l’exemple de Baziège. On a donc voulu combler ce vide filmographique.

Quel est l’apport de la reconstitution dans le documentaire ?

C . J. – C’est d’abord le point de départ même du projet. En plus de parler de l’histoire de l’événement qui allait être commémoré, on souhaitait mettre en lumière cette pratique qui est peu, voire mal connue. Les reconstituteurs sont des passeurs d’histoire et nous voulions qu’ils fassent partie du projet. La reconstitution permet d’immerger les spectateurs à une époque donnée grâce à un énorme travail réalisé en amont. Je pense notamment à la qualité des recherches effectuées, au soin apporté aux choix des matériaux, des couleurs, aux objets reconstitués… À ce niveau-là, il n’y a plus qu’à filmer. Ça donne une épaisseur aux   p  e  r sonnages projetés à l’écran.

Concernant les lieux de tournage datant de cette époque, comment vous y êtes-vous pris pour repérer les meilleurs sites ?

C . J. – Nous nous sommes mis pour objectif de ne tourner que dans notre région avec une latitude de maximum un siècle (avant ou après la vie de nos personnages). Heureusement pour nous, nous avons la chance d’avoir plusieurs sites historiques exceptionnels. Lorsqu’Ugo [Bimar] nous a envoyé les scénarios, j’ai tout de suite pensé au cloître de Saint Salvi à Albi. Même s’il n’est pas contemporain à la période de la croisade (sa construction débute 40 ans après), dès que nous avons posé le matériel, son atmosphère nous a mis dans le bain. Tourner dans la région nous a aussi permis de valoriser son patrimoine. J’espère que ça transparaitra à l’écran.

Quelle a été votre démarche pour écrire et réaliser ce docu-fiction ?

C . J. – Je pense que le point le plus important a été d’intégrer des historiennes et des historiens spécialistes des thèmes traités par le documentaire. Ils n’avaient pas seulement un rôle d’expert, mais ils ont participé au processus de création du film. Il était primordial pour nous d’avoir une relecture de notre scénario, mais aussi de recevoir des retours du montage, afin d’éviter les contresens et les erreurs entre la voix off et les informations énoncées lors des interviews.

 

Des problèmes ont-ils été soulevés par ces spécialistes ?

C . J. – Oui et notre réponse s’est traduite par des reformulations du script de la voix off ou par des changements dans le montage. Nous sommes allés jusqu’à retirer une séquence de fiction, car elle allait au-delà de l’état actuel de la recherche à ce sujet. L’histoire, c’est aussi accepter de dire « on ne sait pas »… Le fait d’avoir pris en compte ces allers-retours dès le départ du projet nous a permis de rendre ce travail fluide.

Que voulez-vous montrer avec ce projet ?

C . J. – Nous voulons montrer qu’il est possible de transmettre des connaissances scientifiques sérieuses tout en proposant un divertissement. L’histoire est une science, par sa méthode, par les travaux de ses chercheurs, c’est aussi un terrain de jeu extraordinaire pour les réalisateurs et les scénaristes. Il s’agit pour nous d’écouter les spécialistes et de travailler ensemble dans un but commun : la transmission et l’accès des savoirs au plus grand nombre.

 

Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de sa réalisation ?

C . J. – Selon moi, la difficulté a été de créer une cohérence entre plusieurs matériaux très riches. Il fallait jongler entre les images d’illustration, la fiction, ainsi que les cartes et portraits que nous avons créés spécialement à cet effet. Une attention particulière a été portée aux transitions entre chacune de ces propositions. Il fallait donner de la fluidité, en particulier lorsque l’on passait du documentaire à la fiction et inversement.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur ces éléments graphiques ?

C . J. – Nous avons fait le choix de réaliser des cartes pour faciliter la compréhension des événements importants qui ont jalonné la croisade. Nous avons également réalisé des portraits de personnages historiques cités au sein de la fiction et lors des interviews des scientifiques. Nous avons portraituré les acteurs présents dans la fiction, mais en ce qui concerne les autres, faute de sources historiques, nous avons laissé parler notre imagination. Dans ce cas, seuls les blasons ont une référence historique sûre.

Comment avez-vous été approché par les créateurs de ce projet ?

Hugo Bimar – La première rencontre avec Clément et Jean a eu lieu lors de Fou d’Histoire, au marché de l’Histoire à Compiègne, la grande Mecque de la reconstitution historique. Par la suite nous nous sommes revus dans le sud de la France, dans mon Gard natal, à quelques heures de voiture de Toulouse. Le projet autour de la bataille de Baziège s’est très vite mis en place au cours de ces rencontres.

 

Quelles ont été vos inspirations pour ces scènes ?

H. B.- La source d’inspiration, c’est avant tout le récit des événements tel que me l’ont présenté Clément et Jean. La recherche d’une ambiance, d’un ton, a fait le reste.

Comment trouve-t-on un équilibre entre le récit historique et le récit fictionnel lors de l’écriture ?

H. B.-La fiction doit être une sorte de condensé, de résumé du récit historique. Il faut, en peu de temps, en une scène, faire passer un maximum de chose, si possible évidemment sans être trop dans l’exposition. Les informations doivent passer par la situation, les tensions, et les dialogues doivent avant tout servir des conflits pour ne pas paraître trop didactiques.

Aviez-vous déjà des acteurs en tête lors de l’écriture ?

H. B.- Oui absolument. Très vite le casting des principaux personnages s’est imposé à nous : Frédéric Louarn, comédien mais également bien connu sur Youtube historique avec sa chaîne Herodot’com, et Stéphane Van de Capelle, pionnier de la reconstitution en France, étaient les parfaits seigneurs de Toulouse père et fils, Raymond et Raymondet. Lou Howard, comédienne très présente sur le net, et Laurette Estève, elle aussi figure incontournable de la reconstitution, se sont tout aussi vite imposées en tant que princesses de la cour aragonaise. Par la suite, beaucoup de comédiens ont été sélectionnés en raison de leurs liens avec l’Occitanie.

Vous êtes un habitué de contenu historique avec votre chaîne « Confessions d’Histoire ». Vous y transmettez des connaissances historiques sur le ton de l’humour. Qu’est-ce qui a changé en passant à une fiction historique plus sérieuse (dramatique) ?

H. B.- C’était là une de mes principales motivations sur ce projet, avec celle de sortir, pour changer un peu, du dispositif de l’interview-fiction : faire du premier degré, travailler des scènes dramatiques, sans humour. L’humour est un formidable vecteur, et sa rigueur rythmique est passionnante à travailler, mais ici le challenge consistait à créer des morceaux de vie des temps anciens, avec un phrasé soutenu, particulier, sans cette béquille de la « blague » qui vient alléger le propos. Rester « vivant », et ne pas tomber dans un ton trop théâtral.

 

Quelles sont les objectifs lorsque l’on insère des séquences de fiction dans un documentaire ?

H. B.- Les pastilles de fiction doivent venir illustrer de manière différente des informations qui, autrement, sont portées par la voix off avec un ton documentaire. Elles sont une respiration faite de chair. Elles forment comme une fenêtre sur le passé, même si elles ne peuvent prétendre à la véracité : la diégèse cinématographique implique toujours un point de vue et une forme de falsification, même lorsque l’on filme un récit contemporain. Alors lorsqu’il s’agit d’événements vieux de 800 ans, la « réalité » est d’autant plus insaisissable.

Mais nous avons tenu à représenter ce beau Moyen Âge de la façon la plus historique possible, avec toutes ses couleurs et son art de vivre, au plus près de l’exigence des reconstituteurs. Quand un projet comme celui-ci se fait main dans la main avec cet univers de passionnés, et avec la participation de sommités universitaires et scientifiques, c’est le moins que l’on puisse faire !

Les deux entretiens ont été réalisés en janvier 2024 par François Rulier.

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